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DES PREUVES DE L'EXISTENCE DE DIEU


choisir 1[1] mettrait ici fin à l’irrésolution de la spéculation par une addition pratique ; et même la raison, en sa qualité de juge très-vigilant, ne trouverait en elle aucune justification, si, sous l’influence de mobiles pressants, malgré l’insuffisance de ses lumières, elle ne suivait ces principes de son jugement, qui sont au moins les meilleurs que nous connaissions.

Bien que cet argument soit transcendental dans le fait, puisqu’il repose sur l’essentielle insuffisance du contingent, il est pourtant si simple et si naturel qu’il se trouve approprié au sens commun le plus vulgaire, dès qu’il lui est présenté. On voit des choses changer, naître et périr ; il faut donc que ces choses ou que du moins leur état ait une cause. Mais toute cause qui peut être donnée dans le phénomène ramène à son tour la même question. Or où placerons-nous plus justement la suprême causalité 2[2] si ce n’est là où est aussi la causalité la plus haute 3[3], c’est-à-dire dans l’être qui contient originairement en soi la raison suffisante de l’effet possible, et dont le concept est très-aisément caractérisé par ce seul trait : la perfection absolue 4[4]· Cette cause suprême, nous la tenons pour absolument nécessaire, parce que nous trouvons absolument nécessaire de nous élever jusqu’à elle et que nous n’avons aucune raison de nous élever encore au-dessus d’elle. Aussi voyons-nous briller chez tous les peuples, à travers les nuages du plus aveugle polythéisme, quelques étincelles du monothéisme auquel ils sont conduits, non par la réflexion ou de profondes spéculations, mais par la marche naturelle de l’entendement vulgaire, s’éclairant peu à peu.



  1. 1 Die Pflicht zu wählen.
  2. 2 Die oberste Causalität.
  3. 3 Die höchste Causalität.
  4. 4 Allbefassende Vollkommenheit.