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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


tient toute réalité, partant aussi toute condition, que conséquemment le concept d’une chose à laquelle convient l’absolue nécessité est trouvé par là, nous ne pouvons pas encore en conclure que le concept d’un être borné qui n’a pas la réalité suprême répugne par cela même à la réalité absolue. Car, quoique dans ce concept je n’atteigne pas l’inconditionnel, qui implique déjà par lui-même le tout des conditions, on ne peut cependant pas en conclure que son existence doive être par là même conditionnelle, de même que dans un raisonnement hypothétique je ne puis pas dire : là où n’est pas une certaine condition (c’est-à-dire ici la perfection suivant des concepts), là n’est pas non plus le conditionnel. Il nous sera plutôt permis de donner tous les autres êtres bornés comme tout aussi absolument nécessaires, bien que nous ne puissions conclure leur nécessité du concept général que nous en avons. Mais de cette manière notre argument ne nous donne pas le moindre concept des propriétés d’un être nécessaire et il n’aboutit à rien du tout.

Toutefois cet argument conserve une certaine importance et une autorité qu’on ne saurait lui enlever tout d’un coup, malgré son insuffisance objective. En effet supposez des obligations tout à fait rigoureuses dans l’idée de la raison, mais qui seraient sans aucune application réelle à nous-mêmes, c’est-à-dire sans mobiles, si nous ne supposions un être suprême qui pût assurer aux lois pratiques leur effet et leur impression ; dans ce cas, nous aurions aussi l’obligation de suivre les concepts qui, bien qu’objectivement insuffisants, sont cependant décisifs selon la mesure de notre raison, et en comparaison desquels nous ne connaissons rien de meilleur et de plus convaincant. Le devoir de