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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


terminé par la seule idée et qui par conséquent peut être appelé un idéal de la raison pure.

Si nous examinons tous les prédicats possibles, non pas au point de vue logique, mais au point de vue transcendental, c’est-à-dire quant à leur contenu, nous trouvons que par quelques-uns d’entr’eux un être est représenté, et par d’autres un simple non-être. La négation logique, qui est simplement désignée par le petit mot non, ne s’applique jamais proprement à un concept, mais seulement au rapport d’un concept à un autre dans le jugement, et par conséquent elle est bien loin de suffire pour désigner un concept par rapport à son contenu. L’expression non-mortel ne peut faire connaître qu’un simple non-être est représenté par là dans l’objet, mais elle laisse de côté toute matière. Une négation transcendentale au contraire signifie le non-être en soi, auquel est opposée l’affirmation transcendentale, laquelle est quelque chose dont le concept en soi exprime déjà un être et par conséquent s’appelle réalité 1[1], parce que c’est par elle seule que les objets sont quelque chose (des choses) et cela dans toute l’étendue de sa sphère, tandis que la négation opposée désigne simplement un manque, et que là où elle est simplement conçue, on se représente toute chose comme supprimée.

Or personne ne peut concevoir une négation d’une manière déterminée sans prendre pour fondement l’affirmation opposée. L’aveugle-né ne peut se faire la moindre représentation de l’obscurité, parce qu’il n’en a aucune de la lumière ; le sauvage ne peut avoir aucune idée de la misère, parce qu’il ne connaît pas l’opulence. L’igno-

  1. 1 Realität (Sachheit).