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DE L'IDÉAL EN GÉNÉRAL


éloigné de la réalité objective que l’idée, et par là j’entends l’idée non-seulement in concreto, mais in individuo, c’est-à-dire l’idée d’une chose individuelle qu’elle seule peut déterminer ou qu’elle détermine en effet.

L’idée de l’humanité dans toute sa perfection ne contient pas seulement celle de toutes les qualités qui appartiennent essentiellement à notre nature et constituent le concept que nous en avons, poussées au point de concorder parfaitement avec leurs fins, ce qui serait notre idée de l’humanité parfaite ; mais elle implique aussi tout ce qui, outre ce concept, appartient à la détermination complète de l’idée ; car de tous les prédicats opposés il n’y en a qu’un seul qui puisse convenir à l’idée de l’homme parlait. Ce qui pour nous est un idéal était pour Platon une idée de l’entendement divin, un objet individuel dans la pure intuition de cet entendement, la perfection de chaque espèce d’êtres possibles, le prototype de toutes les copies dans le monde des phénomènes.

Sans nous élever si haut, nous devons avouer que la raison humaine ne contient pas seulement des idées, mais des idéaux, qui n’ont pas, il est vrai, comme ceux de Platon, une vertu créatrice, mais qui ont (comme principes régulateurs) une vertu pratique, et servent de fondement à la possibilité de la perfection de certains actes. Les concepts moraux ne sont pas tout à fait de purs concepts rationnels, puisqu’ils ont pour fondement quelque chose d’empirique (plaisir ou peine). Mais, en les envisageant du côté du principe par lequel la raison met des bornes à la liberté, qui elle-même est sans lois, (par conséquent en ne considérant que leur forme) on peut très-bien les donner comme exemples de concepts ra-