Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
160
DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


quent il n’y a point de véritable contradiction entre ces assertions, mais qu’elles peuvent être vraies toutes deux. Un être intelligible de ce genre, un être absolument nécessaire fût-il impossible en soi, c’est du moins ce que l’on ne saurait conclure de la contingence universelle et de la dépendance de tout ce qui appartient au monde sensible, non plus que du principe qui veut qu’on ne s’arrête à aucun membre de ce monde, en tant qu’il est contingent, et qu’on en appelle à une cause hors du monde. La raison suit son chemin dans l’usage empirique et son chemin particulier dans l’usage transcendental.

Le monde sensible ne contient que des phénomènes, et ceux-ci sont de simples représentations qui à leur tour sont toujours soumises à des conditions sensibles ; et, comme ici nous n’avons jamais pour objets des choses en soi, il n’y a point à s’étonner que nous ne soyons jamais fondés à sauter d’un membre des séries empiriques, quel qu’il soit, hors de l’enchaînement des choses sensibles, comme si elles étaient des choses en soi qui existassent en dehors de leur principe transcendental et que l’on pût abandonner pour chercher hors d’elles la cause de leur existence. C’est ce qui finirait certainement par arriver dans les choses contingentes, mais non dans de simples représentations de choses dont la contingence même n’est qu’un phénomène et ne saurait conduire à aucune autre régression qu’à celle qui détermine les phénomènes, c’est-à-dire qui est empirique. Mais il n’est contraire ni à la régression empirique illimitée de la série des phénomènes, ni à leur contingence universelle de concevoir un principe intelligible des phénomènes, c’est-à-dire du monde sensible. Mais aussi est-ce la seule chose que nous puissions faire pour lever l’antinomie apparente :