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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


riables), qu’il n’y a point en elle d’état antérieur qui détermine le suivant, que par conséquent elle n’appartient point à la série des conditions sensibles qui rendent les phénomènes nécessaires suivant des lois naturelles. Elle est, cette raison, identiquement présente à toutes les actions de l’homme dans toutes les circonstances du temps, mais elle n’est point elle-même dans le temps, et elle ne tombe pas dans un nouvel état où elle n’aurait pas été auparavant ; elle est, par rapport à tout état nouveau, déterminante, mais non déterminable. On ne peut donc pas demander pourquoi la raison ne s’est pas déterminée autrement, mais seulement pourquoi par sa causalité elle n’a pas autrement déterminé les phénomènes. Or il n’y a pas à cela de réponse possible. En effet un autre caractère intelligible aurait donné un autre caractère empirique, et quand nous disons que, malgré toute sa conduite antérieure, le menteur aurait pu s’abstenir du mensonge, cela signifie simplement que le mensonge est immédiatement au pouvoir de la raison, que la raison dans sa causalité n’est nullement soumise aux conditions du phénomène et du cours du temps, et que, si la différence de temps constitue une différence capitale entre les phénomènes, attendu que ceux-ci ne sont pas des choses en soi, ni par conséquent des causes en soi, elle n’en peut former aucune entre les actions par rapport à la raison.

Nous ne pouvons donc, quand il s’agit de juger les actions libres, que remonter, par rapport à leur causalité, jusqu’aux causes intelligibles, mais non pas au delà. Nous pouvons reconnaître qu’elles peuvent être déterminées librement, c’est-à-dire indépendamment de la sensibilité, et que, de cette manière, elles peuvent former