Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


penser 1[1]). Or nous ne connaissons pas ce dernier ; nous ne faisons que le désigner par les phénomènes, lesquels, à proprement parler, ne nous font connaître immédiatement que la façon de sentir (le caractère empirique *[2]). Mais l’action, en tant qu’elle doit être attribuée à la façon de penser, comme à sa cause, n’en résulte cependant pas suivant des lois empiriques, c’est-à-dire de telle sorte que les conditions de la raison soient antérieures ; ce sont seulement ses effets dans le phénomène du sens interne qui précédent. La raison pure, comme faculté simplement intelligible, n’est pas soumise à la forme du temps et par conséquent aux conditions de la succession. La causalité de la raison dans le caractère intelligible ne naît pas, ou ne commence pas dans un certain temps à produire un effet. Car autrement elle serait elle-même soumise à la loi naturelle des phénomènes, en tant que cette loi détermine des séries de causes dans le temps, et la causalité serait alors nature et non point liberté. Nous pourrons donc dire : si la raison peut avoir de la causalité par rapport aux phénomènes, c’est qu’elle est une faculté par laquelle commence véritablement la condition sensible d’une série empirique d’effets. Car la condition qui réside dans la raison n’est pas sensible, et par conséquent ne commence pas elle-même. Nous trouvons donc ici ce que nous cherchions en vain dans toutes les séries em-

  1. 1 Denkungsart.
  2. * La moralité propre des actions (le mérite et la faute), celle même de notre propre conduite, nous demeure donc absolument cachée. Nos imputations ne peuvent se rapporter qu’au caractère empirique. Quelle part au juste attribuer à la liberté, à la simple nature, aux vices involontaires du tempérament, ou à ses heureuses qualités (merito fortunæ). c’est ce que personne ne peut découvrir, ni par conséquent juger avec une parfaite justice.