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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


nent pas de prémisses empiriques et au moyen desquels nous concluons de quelque chose que nous connaissons à quelque autre chose dont nous n’avons encore aucun concept et à quoi nous attribuons pourtant de la réalité objective par l’effet d’une inévitable apparence. Ces sortes de conclusions, par leur résultat, méritent plutôt le nom de sophismes que celui de raisonnements[1] ; toutefois, en vertu de leur origine, ils peuvent bien porter ce dernier nom, car ils ne sont pas factices ou accidentels, mais ils résultent de la nature de la raison. Ce sont des sophismes[2], non de l’homme, mais de la raison pure elle-même, et le plus sage de tous les hommes ne saurait s’en affranchir ; peut-être après bien des efforts parviendra-t-il à se préserver de l’erreur, mais il lui est impossible de dissiper l’apparence qui le poursuit et se joue de lui incessamment.

Il n’y a que trois espèces de raisonnements dialectiques, autant qu’il y a d’idées auxquelles aboutissent leurs conclusions. Dans les raisonnements de la première classe je conclus du concept transcendental du sujet, qui ne renferme point de diversité, à l’absolue unité de ce sujet lui-même, mais sans en avoir de cette manière aucune espèce de concept. Je donnerai à cette sorte de conclusion dialectique le nom de paralogisme transcendental. La seconde classe des conclusions sophistiques repose sur le concept transcendental de l’absolue totalité de la série des conditions d’un phénomène donné en général : de ce que, d’un côté, j’ai toujours un concept contradictoire de l’unité synthétique absolue de la série, je conclus, de

  1. Sind eher vernünftelnde als Vernunftschlüsse zu nennen.
  2. Sophisticationen.