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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


arbitrium liberum, puisque la sensibilité ne rend pas son action nécessaire, mais qu’il y a dans l’homme un pouvoir de se déterminer de lui-même indépendamment de la contrainte des penchants sensibles.

On voit aisément que, si toute causalité dans le monde sensible n’était que nature, chaque événement serait déterminé par un autre dans le temps suivant des lois nécessaires, et que, par conséquent, comme les phénomènes, en tant qu’ils déterminent la volonté, devraient nécessiter chaque action comme leur suite naturelle, la suppression de la liberté transcendentale anéantirait en même temps toute liberté pratique. Celle-ci en effet suppose que, bien qu’une action n’ait pas eu lieu, elle aurait dû cependant avoir lieu, et que par conséquent la cause de ce qui a lieu dans le phénomène n’était pas tellement déterminante qu’il n’y eût dans notre volonté une causalité capable de produire, indépendamment de ces causes naturelles et même contre leur puissance et leur influence, quelque chose de déterminé dans l’ordre du temps d’après des lois empiriques, c’est-à-dire de commencer tout à fait de soi-même une série d’événements.

Il arrive donc ici ce qui se rencontre en général dans le conflit d’une raison qui se hasarde au delà des limites de l’expérience possible, que le problème n’est pas proprement physiologique, mais transcendental. La question de la possibilité de la liberté tourmente donc bien la psychologie ; mais, comme elle repose sur des arguments dialectiques de la raison pure, il n’y a que la philosophie transcendentale qui puisse songer à la résoudre. Or, pour mettre celle-ci en état de donner à ce sujet une réponse satisfaisante qu’elle ne peut refuser, je dois d’abord chercher à déterminer avec plus de précision par une