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SOLUTION DU PREMIER PROBLÈME COSMOLOGIQUE


tion de la limite formée par un temps absolument vide ou par un espace vide, d’une perception par laquelle cette limite du monde serait donnée dans une expérience possible. Mais une telle expérience, étant absolument vide de contenu, est impossible. Une limite absolue du monde est donc impossible empiriquement et par conséquent absolument *[1].

De là résulte en même temps cette réponse affirmative, que la régression dans la série des phénomènes du monde, comme détermination de la grandeur du monde, va in indefinitum, ce qui revient à dire que le monde sensible n’a pas de grandeur absolue, mais que la régression (par laquelle seule il peut être donné du côté de ses conditions) a sa règle, laquelle consiste à marcher toujours, de chaque membre de la série, comme d’un conditionnel, à un membre encore plus éloigné (au moyen soit de l’expérience directe, soit du fil de l’histoire, soit de la chaîne des effets et des causes), et à ne jamais se dispenser d’étendre l’usage empirique possible de son entendement, ce qui est aussi la propre et unique affaire de la raison dans ses principes.

Une régression empirique déterminée, s’avançant sans cesse dans une certaine espèce de phénomènes, n’est point prescrite par là : il ne nous est pas enjoint, par

  1. * On remarquera que la preuve est ici tout autrement administrée que ne l’était plus haut la preuve dogmatique dans l’antithèse de la première antinomie. Là nous avions présenté le monde sensible, suivant la représentation ordinaire et dogmatique, comme une chose qui était donnée en soi, quant à la totalité, antérieurement à toute régression, et nous lui avions refusé une place déterminée dans le temps et dans l’espace, s’il n’occupait pas tous les temps et tous les espaces. La conclusion était donc aussi tout autre qu’ici, c’est-à-dire qu’elle conduisait à l’infinité réelle du monde.