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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


Car l’inconditionnel absolu ne se trouve point du tout dans l’expérience.

Or à cette fin il faut d’abord déterminer exactement la synthèse d’une série, en tant qu’elle n’est jamais complète. Ou se sert ordinairement à cet effet de deux expressions qui doivent représenter ici quelque distinction, mais sans qu’on sache indiquer au juste la raison de cette distinction. Les mathématiciens parlent simplement d’un progressus in infinitum. Ceux qui scrutent les concepts (les philosophes) veulent qu’on substitue à cette expression celle de progressus in indefinitum. Sans m’arrêter à examiner le scrupule qui a suggéré à ceux-ci cette distinction, et son utilité ou son inutilité, je veux chercher à déterminer exactement ces concepts par rapport à mon but.

On peut dire avec raison d’une ligne droite qu’elle peut être prolongée à l’infini, et ici la distinction de l’infini et de l’indéfini (progressus in indefinitum) serait une vaine subtilité. Sans doute, lorsque l’on dit : prolongez une ligne, il est plus exact d’ajouter : in indefinitum, que : in infinitum, parce que la première expression signifie uniquement : prolongez-la autant que vous voulez, tandis que la seconde veut dire : vous ne devez jamais cesser de la prolonger (ce dont il n’est pas ici question) ; mais, lorsqu’il ne s’agit que du pouvoir, l’expression d’infini est tout à fait exacte ; car vous pouvez toujours prolonger votre ligne à l’infini. Et il en est de même dans tous les cas où l’on ne parle que du progrès qui consiste à aller de la condition au conditionnel ; ce progrès possible s’étend à l’infini dans la série des phénomènes. En partant d’un couple d’aïeux vous pouvez avancer sans fin suivant une ligne descendante de la génération, et con-