Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110
DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


faux ; son opposé contradictoire, à savoir que quelques corps ne sont pas odoriférants, comprend aussi les corps qui ne sentent rien du tout. Dans la précédente opposition (per diaparata) la condition accidentelle du concept des corps (l’odeur) restait encore, malgré le jugement contraire, et par conséquent elle n’était pas supprimée par ce jugement ; ce dernier n’était donc pas l’opposé contradictoire du premier.

Quand donc je dis : ou le monde est infini dans l’espace, ou il n’est pas infini (non est infinitus), si la première proposition est fausse, son opposé contradictoire, à savoir que le monde n’est pas infini, doit être vrai. Je ne fais par là qu’écarter un monde infini, sans en poser un autre, un monde fini. Mais si je dis : le monde est ou infini ou fini (non infini), ces deux propositions pourraient bien être fausses. En effet j’envisage alors le monde comme déterminé en soi quant à sa grandeur, puisque dans la proposition opposée je ne me borne pas à supprimer l’infinité et peut-être avec elle toute son existence propre, mais que j’ajoute une détermination au monde comme à une chose réelle en soi ; ce qui pourrait bien être faux : si en effet le monde ne devait pas être donné comme une chose en soi, et par conséquent comme infini ou comme fini sous le rapport de sa grandeur. Qu’on me permette de désigner ce genre d’opposition sous le nom d’opposition dialectique, et celle qui consiste dans la contradiction, sous celui d’opposition analytique. Deux jugements dialectiquement opposés l’un à l’autre peuvent donc être faux tous deux, puisque l’un ne se borne pas à contredire l’autre, mais qu’il dit quelque chose de plus qu’il n’est nécessaire pour la contradiction.

Si l’on regarde les deux propositions : le monde est