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DÉCISION CRITIQUE DU CONFLIT


les objets des sens nous sont donnés comme conditionnels ; donc, etc. Ce raisonnement, dont la majeure semble si naturelle et si claire, introduit, suivant la différence des conditions (dans la synthèse des phénomènes), en tant qu’elles constituent une série, autant d’idées cosmologiques, qui postulent l’absolue totalité de ces séries et qui par là même mettent inévitablement la raison en contradiction avec elle-même. Mais avant de chercher à découvrir le côté fallacieux de cet argument dialectique, il est nécessaire de nous préparer à cette tâche, en rectifiant et en déterminant certains concepts qui se présentent ici.

D’abord, c’est une proposition claire et indubitablement certaine que celle-ci : quand le conditionnel est donné, une régression dans la série de toutes ses conditions nous est donnée par là même ; car le concept du conditionnel implique déjà que quelque chose est rapporté à une condition, et cette condition à son tour, si elle est elle-même conditionnelle, à une autre plus éloignée, et ainsi pour tous les membres de la série. Cette proposition est donc analytique, et elle n’a rien à craindre d’une critique transcendentale. Elle est un postulat logique de la raison, qui consiste à suivre par l’entendement et à pousser aussi loin que possible cette liaison d’un concept avec ses conditions qui est déjà inhérente : au concept même.

Ensuite, si le conditionnel ainsi que sa condition sont des choses en soi : alors, quand le premier est donné, non-seulement la régression vers la seconde est donnée, mais celle-ci même est réellement donnée par là ; et, puisque cela s’applique à tous les membres, la série complète des conditions, par conséquent aussi l’incondition-