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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


ner de la réalité à nos concepts ; sans elle, tout concept n’est qu’une idée, sans vérité et sans rapport à un objet. Le concept empirique possible était donc la mesure d’après laquelle il fallait juger l’idée, pour savoir si elle était une simple idée et un être de raison, ou si elle avait son objet dans le monde. En effet, on ne dit d’une chose qu’elle est trop grande ou trop petite par rapport à une autre, que quand on ne l’admet que pour celle-ci et qu’on la règle uniquement d’après elle. C’était une sorte de jeu dans les anciennes écoles dialectiques que cette question : si une boule ne peut passer par un trou, faut-il dire que c’est la boule qui est trop grande, ou le trou qui est trop petit ? Il est indifférent dans ce cas de s’exprimer d’une manière ou de l’autre ; car on ne sait pas laquelle des deux choses existe pour l’autre. Mais vous ne direz pas qu’un homme est trop grand pour son habit ; vous direz au contraire que l’habit est trop petit pour l’homme.

Nous sommes donc au moins conduits à soupçonner avec quelque raison que les idées cosmologiques et avec elles toutes les affirmations dialectiques opposées les unes aux autres ont peut-être pour fondement un concept vide et purement imaginaire sur la manière dont l’objet de ces idées nous est donné, et ce soupçon peut déjà nous mettre dans la bonne voie pour arriver à découvrir l’illusion qui nous a si longtemps trompés.


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