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DE LA SOLUTION DES PROBLÈMES TRANSCENDENTAUX


d’un tout dans le sens empirique n’est jamais que comparative. Le tout absolu de la quantité (l’univers), de la division, de la dérivation, de la condition de l’existence en général, et toutes les questions de savoir s’il résulte d’une synthèse finie ou d’une synthèse qui s’étende à l’infini, ne concernent en rien aucune expérience possible. Vous n’expliqueriez pas mieux ni même autrement, par exemple, les phénomènes d’un corps, en admettant qu’il est formé de parties simples qu’en supposant qu’il l’est toujours de parties composées ; car aucun phénomène simple ni aucune composition infinie ne sauraient jamais s’offrir à vous. Les phénomènes ne veulent d’autre explication que celle dont les conditions sont données dans la perception, mais tout ce qui peut jamais y être donné, compris en un tout absolu, est lui-même une perception. Or ce tout est proprement ce dont on demande l’explication dans les problèmes transcendentaux de la raison.

Puis donc que la solution même de ces questions ne saurait jamais se présenter dans l’expérience, vous ne pouvez pas dire qu’on ne sait pas ce qui doit être ici attribué à l’objet. En effet, votre objet n’existe que dans votre tête, et ne peut être donné en dehors d’elle ; aussi n’avez-vous qu’à prendre soin de vous mettre d’accord avec vous-mêmes et d’éviter l’amphibolie, qui convertit votre idée en une prétendue représentation d’un objet empiriquement donné, et par conséquent aussi susceptible d’être connu au moyen des lois de l’expérience. La solution dogmatique n’est donc pas incertaine, mais impossible. Mais la solution critique, qui peut être parfaitement certaine, n’envisage pas du tout la question ob-