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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


à traiter comme si un objet réel lui correspondait. Une claire exposition de la dialectique qui réside dans notre concept même, nous conduirait bientôt à une entière certitude sur ce que nous devons penser d’une telle question.

Que si vous prétextez votre ignorance sur ces problèmes, on peut d’abord vous opposer cette question, à laquelle vous êtes au moins tenus de répondre clairement : d’où vous viennent les idées dont la solution vous jette ici dans un si grand embarras ? S’agit-il par hasard de phénomènes que vous avez besoin d’expliquer, et dont vous n’avez à chercher, d’après ces idées, que les principes ou la règle d’exposition ? Supposez que la nature se découvre entièrement devant vous, que rien ne demeure caché à vos sens et à la conscience de tout ce, qui tombe sous votre intuition, vous ne pourrez connaître in concreto par aucune expérience l’objet de vos idées (car outre cette complète intuition il faudrait encore une synthèse parfaite et la conscience de son absolue totalité, conscience qui n’est possible par aucune connaissance empirique) ; par conséquent votre question n’est point du tout nécessaire à l’explication d’un phénomène qui se présente à vous, et ainsi elle ne peut être donnée en quelque sorte par l’objet lui-même. En effet l’objet ne saurait jamais se présenter à vous, puisqu’il ne peut être donné par aucune expérience possible. Vous demeurez toujours soumis, dans toutes les perceptions possibles, aux conditions de l’espace ou du temps, et vous n’arrivez jamais à rien d’inconditionnel, de manière à décider si cet inconditionnel doit être placé dans un commencement absolu de la synthèse, ou dans une absolue totalité de la série sans aucun commencement. L’idée