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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


en la donnant pour absolument incertaine (d’après tout ce que nous pouvons connaître) et en la rangeant à ce titre parmi les choses dont nous avons assez l’idée pour en faire la matière d’une question, mais dont nous n’avons nullement les moyens et la faculté de trouver la solution.

Or je dis que la philosophie transcendentale a cela de particulier entre toutes les connaissances spéculatives, qu’aucune question, concernant un objet donné à la raison pure, n’est insoluble pour cette même raison humaine, et qu’on ne saurait jamais prétexter une ignorance inévitable et l’impénétrable profondeur du problème pour s’affranchir de l’obligation d’y répondre d’une manière pleine et entière ; car le même concept qui nous met en état d’élever la question doit aussi nous rendre pleinement capables d’y répondre, puisque l’objet (de même qu’en matière de juste et d’injuste) ne se trouve point en dehors du concept.

Il n’y a dans la philosophie transcendentale que les questions cosmologiques pour lesquelles on puisse exiger à juste titre une réponse satisfaisante, qui concerne la nature de l’objet, sans qu’il soit permis au philosophe de se soustraire à cette obligation en prétextant une obscurité impénétrable, et ces questions ne peuvent se rapporter qu’à des idées cosmologiques. En effet l’objet doit être donné empiriquement, et la question ne porte que sur sa convenance avec une idée. L’objet est-il transcendental et par conséquent inconnu lui-même ; par exemple s’agit-il de savoir si ce quelque chose dont la manifestation (en nous-mêmes) est la pensée, est en soi un être simple, s’il y a une cause première de toutes les choses ensemble qui soit absolument nécessaire, etc. ; nous devons