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ESTHÉTIQUE TRANSCENDENTALE


et que, si cette représentation n’était pas une intuition (interne) à priori, nul concept, quel qu’il fût, ne pourrait nous faire comprendre la possibilité d’un changement, c’est-à-dire d’une liaison de prédicats contradictoirement opposés dans un seul et même objet (par exemple, l’existence d’une chose dans un lieu et la non-existence de cette même chose dans le même lieu). Ce n’est que dans le temps, c’est-à-dire successivement, que deux modes contradictoirement opposés peuvent convenir à une même chose. Notre concept du temps explique donc la possibilité de toutes les connaissances synthétiques à priori que contient la théorie générale du mouvement, qui n’est pas peu féconde.

§ 6

Conséquences tirées de ce qui précède

A. Le temps n’est pas quelque chose qui existe par soi-même ou qui soit inhérent aux choses comme une propriété objective, et qui, par conséquent, subsiste quand on fait abstraction de toutes les conditions subjectives de leur intuition. Dans le premier cas, il faudrait qu’il fût quelque chose qui existât réellement sans objet réel ; dans le second, étant un mode ou un ordre inhérent aux choses mêmes, il ne pourrait être la condition préalable de la perception des objets, et nous être donné ou connu à priori par des propositions synthétiques. Rien n’est plus facile, au contraire, si le temps n’est que la condition subjective de toutes les intuitions que nous pouvons avoir. Alors, en effet, cette forme de l’intuition interne