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ment, mais il n’y a point là d’usage transcendental ; et si nous nous faisons une idée de l’absolue totalité d’une synthèse de ce genre (du progressus), par exemple de la série entière de tous les changements futurs du monde, ce n’est là qu’un être de raison[ndt 1] (ens rationis), arbitrairement conçu et que la raison ne suppose point nécessairement. En effet, pour concevoir la possibilité du conditionnel, il faut bien supposer la totalité de ses conditions, mais non pas de ses conséquences. Un tel concept n’est donc pas une idée transcendentale, seule chose dont nous ayons ici à nous occuper.

Enfin on remarquera aussi qu’entre les idées transcendentales mêmes éclate une certaine harmonie, une certaine unité, et que par le moyen de ces idées la raison pure réduit toutes ses connaissances en système. Il est si naturel d’aller de la connaissance de soi-même (de l’âme) à celle du monde, et de s’élever, au moyen de celle-ci, à celle de l’Être suprême, que cette marche semble analogue au procédé logique de la raison qui va des prémisses à la conclusion[1]. Y a-t-il réellement ici au fond

  1. Ein Gedankending.
  1. La métaphysique n’a pour objet propre de ses recherches que trois idées, Dieu, la liberté et l’immortalité, et tel est le lien de ces trois concept, que le premier, uni au second, doit conduire au troisième, comme à une conséquence nécessaire. Tout ce dont cette science s’occupe d’ailleurs n’est pour elle qu’un moyen d’arriver à ces idées et à leur réalité. Elle n’en a pas besoin pour étudier la nature, mais pour sortir de ses limites. Si nous pouvions pénétrer ces trois objets, la théologie, la morale et, par l’union des deux premières, la religion c’est-à-dire les fins les plus élevées de notre existence, ne dépendraient que de la raison spéculative et de rien autre chose. Dans une représentation systématique de ces idées l’ordre cité serait le plus convenable, comme ordre synthétique ; mais dans le travail qui doit nécessairement précéder celui-là, l’ordre analytique, qui est l’inverse du premier, est plus conforme à notre but : c’est en nous élevant de ce que l’expérience