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PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION


ce préjugé qui consiste à vouloir faire marcher cette science sans commencer par la critique de la raison pure, voilà la véritable source de toute cette incrédulité qui est contraire à la morale et qui elle-même est toujours très-dogmatique. — Si donc il n’est pas impossible de léguer à la postérité une métaphysique systématique construite sur le plan de la critique de la raison pure, ce n’est pas un don médiocre à lui faire ; soit que l’on songe simplement à la culture que la raison peut recevoir en général en entrant dans les voies certaines de la science, au lieu d’errer dans le vide et de se livrer à de vaines divagations, comme elle le fait en l’absence de la critique ; soit que l’on cherche un meilleur emploi du temps pour une jeunesse avide de savoir, que le dogmatisme ordinaire encourage de si bonne heure et si fortement à raisonner à perte de vue sur des choses où elle n’entend rien et où elle n’entendra jamais rien, non plus que personne au monde, ou à négliger l’étude des sciences solides pour courir à la recherche de pensées et d’opinions nouvelles ; soit surtout qu’on tienne compte de l’inappréciable avantage d’en finir une bonne fois avec toutes les objections dirigées contre la moralité et la religion, en suivant la manière de Socrate, c’est-à-dire en démontrant clairement l’ignorance des adversaires. En effet, il y a toujours eu dans le monde et il y aura toujours une métaphysique, mais toujours aussi on verra s’élever à côté d’elle une dialectique de la raison pure, car celle-ci lui est naturelle. La première et la plus importante affaire de la philosophie est donc d’enlever une fois pour toutes à cette dialectique toute pernicieuse influence en détruisant la source des erreurs.

En cette importante réforme dans le champ des