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qui lui corresponde dans l’intuition, parce que sans cela le concept n’aurait, comme on dit, aucun sens, c’est-à-dire resterait sans signification. Les mathématiques remplissent cette condition par la construction de la figure, qui est un phénomène présent aux sens (bien que produit à priori). Le concept de la quantité, dans cette même science, cherche son soutien et son sens dans le nombre, celui-ci à son tour dans les doigts ou dans les grains des tablettes à calculer, ou dans les traits ou les points placés sous les yeux. Le concept reste toujours produit à priori, avec les principes ou les formules synthétiques qui en résultent ; mais leur usage et leur application à des objets ne peuvent être cherchés en définitive que dans l’expérience, dont ils contiennent à priori la possibilité (quant à la forme).

Ce qui montre clairement que toutes les catégories et tous les principes qui en sont formés sont dans le même cas, c’est que nous ne pouvons définir une seule de ces catégories, sans en revenir aux conditions de la sensibilité, par conséquent à la forme des phénomènes auxquels elles doivent être restreintes comme à leurs seuls objets. Otez en effet ces conditions, elles n’ont plus de sens, plus de rapport à aucun objet, et il n’y a plus d’exemple qui puisse nous rendre saisissable ce qui est proprement pensé dans ces concepts[ndt 1].

  1. Les lignes suivantes, avec la note qui s’y rattache, s’intercalaient ici dans la première édition : « En traçant plus haut la table des catégories, nous nous sommes dispensé de les définir les unes après les autres, parce que notre but, borné à leur usage synthétique, ne rendait pas ces définitions nécessaires, et que, quand une entreprise est inutile, on ne doit pas assumer une responsabilité dont on peut se dispenser. Ce n’était pas pour nous un faux-fuyant, mais une règle de prudence très-importante, que de ne pas nous hasarder à définir tout d’abord, et de