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périence des objets d’expérience serait elle-même impossible, est nécessaire par rapport à ces objets. Il est donc nécessaire à toutes les substances considérées au point de vue du phénomène, en tant qu’elles sont simultanément, d’être en communauté (Gemeinschaft) générale d’action réciproque.

Le mot Gemeinschaft est équivoque en allemand, et peut signifier la même chose qu’en latin le mot communio, ou le mot commercium[ndt 1]. Nous nous en servons ici dans le dernier sens, comme désignant une communauté dynamique sans laquelle la communauté locale (communio spatii) ne pourrait être elle-même connue empiriquement. Il est facile de remarquer dans nos expériences que les influences continuelles dans tous les lieux de l’espace peuvent seules conduire notre sens d’un objet à un autre, que la lumière qui joue entre notre œil et les corps produit un commerce médiat entre nous et ces corps et en prouve ainsi la simultanéité, que nous ne pouvons changer empiriquement de lieu (percevoir ce changement), sans que partout la matière nous rende possible la perception de nos places, et que c’est uniquement au moyen de son influence réciproque que celle-ci peut prouver sa simultanéité, et par là (il est vrai, d’une manière simplement médiate) la coexistence des objets depuis les plus rapprochés jusqu’aux plus éloignés. Sans communauté

  1. Le mot français communauté, par lequel j’ai traduit le mot allemand Gemeinschaft, peut prêter aussi à la même équivoque que ce dernier ; mais c’était celui qui convenait ici le mieux en général. Celui de commerce, qui rendrait mieux le sens spécial dans lequel Kant emploie l’expression Gemeinschaft, ne pourrait être employé seul ou sans être déterminé par quelque autre. Aussi ai-je dû lui préférer le précédent, sauf à l’employer à son tour dans quelques cas où il se trouve précisément déterminé. J. B.