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subjective qu’elles ont comme modifications, je ne sais quelle réalité objective ? La valeur objective ne peut signifier un rapport à une autre représentation (à celle de ce que l’on attribuerait à l’objet) ; autrement on retombe sur cette question : comment cette représentation à son tour sort-elle d’elle-même, et acquiert-elle une valeur objective, outre la valeur subjective qu’elle possède comme détermination de l’état de l’esprit ? Si nous cherchons quelle nouvelle qualité le rapport à un objet ajoute à nos représentations et quelle espèce de dignité elles en retirent, nous trouvons que ce rapport ne fait rien autre chose que de rendre nécessaire la liaison des représentations dans un certain sens et de les soumettre à une règle, et que réciproquement elles n’acquièrent une valeur objective que parce qu’un certain ordre est nécessaire entre elles sous le rapport du temps.

Dans la synthèse des phénomènes les éléments divers des représentations se succèdent toujours les uns aux autres. Or aucun objet n’est représenté par là ; car, par cette succession, qui est commune à toutes les appréhensions, rien n’est distingué de rien. Mais, dès que je perçois ou que je présuppose que cette succession implique un rapport à un état antérieur d’où dérive la représentation suivant une règle, alors je me représente quelque chose comme un événement, ou comme arrivant : c’est-à-dire que je connais un objet que je dois placer dans le temps à un certain point déterminé, lequel, d’après l’état antérieur, ne peut être autre que celui-là. Quand donc je perçois que quelque chose arrive, cette représentation implique d’abord que quelque chose a précédé, puisque c’est précisément par rapport à ce quelque chose d’antérieur que le phénomène se coordonne dans le temps,