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tance dans le phénomène puisse être proprement le substratum de toute détermination de temps, il faut que toute existence, dans le passé aussi bien que dans l’avenir, y soit uniquement et exclusivement déterminée. Nous ne pouvons donc donner à un phénomène le nom de substance que parce que nous supposons que son existence est de tout temps ; or c’est ce qu’exprime mal le mot permanence[ndt 1], qui semble plutôt se rapporter à l’avenir. Toutefois, comme la nécessité interne d’être permanent est inséparable de celle d’avoir toujours été, l’expression peut être conservée. Gigni de nihilo nihil, in nihilum nil posse reverti, c’étaient là deux propositions que les anciens liaient inséparablement, et que l’on sépare maintenant quelquefois mal à propos, en s’imaginant qu’elles s’appliquent à des choses en soi, et que la première est contraire à l’idée que le monde dépend d’une cause suprême (même quant à sa substance). Mais cette crainte est sans fondement, puisqu’il n’est ici question que des phénomènes dans le champ de l’expérience, dont l’unité ne serait jamais possible si nous admettions qu’il se produisît des choses nouvelles (quant à la substance). Alors, en effet, disparaîtrait ce qui seul peut représenter l’unité du temps, c’est-à-dire l’identité du substratum, où tout changement trouve uniquement sa complète unité. Cette permanence n’est cependant pas autre chose que la manière dont nous nous représentons l’existence des choses (dans le phénomène).

Les déterminations d’une substance, qui ne sont autre chose que des modes de son existence, s’appellent acci-

  1. Beharrlichkeit.