Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/244

Cette page a été validée par deux contributeurs.

même, mais seulement les phénomènes dans le temps (de même, la simultanéité n’est pas un mode du temps même, puisqu’il n’y a pas dans le temps de parties simultanées, mais que toutes sont successives). Si l’on voulait attribuer au temps lui-même une succession, il faudrait encore concevoir un autre temps où cette succession serait possible. C’est par le permanent seul que l’existence reçoit dans les diverses parties successives de la série du temps une quantité, que l’on appelle la durée. Car dans la simple succession, l’existence va toujours disparaissant et commençant, sans jamais avoir la moindre quantité. Sans ce quelque chose de permanent, il n’y a donc pas de rapport de temps. Or, comme le temps ne peut être perçu en lui-même, ce quelque chose de permanent est le substratum de toute détermination de temps, par conséquent aussi la condition de la possibilité de toute unité synthétique des perceptions, c’est-à-dire de l’expérience ; et toute existence, tout changement dans le temps ne peut être regardé que comme un mode de ce qui demeure et ne change pas. Donc, dans tous les phénomènes, le permanent est l’objet même, c’est-à-dire la substance (phænomenon) ; mais tout ce qui change ou peut changer n’est que le mode d’existence de cette substance ou fait partie de ses déterminations.

Je trouve que, de tout temps, non-seulement les philosophes, mais le commun des hommes, ont supposé cette permanence comme un substratum de tout changement des phénomènes, et ils l’admettront toujours comme une chose indubitable. Seulement les philosophes s’expriment à ce sujet avec un peu plus de précision, en disant : au milieu de tous les changements qui arrivent dans le monde, la substance demeure ; il n’y a que les accidents