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que chose mériterait d’être nommé anticipation dans un sens exceptionnel. Il semble étrange en effet d’anticiper sur l’expérience en cela même qui constitue sa matière, laquelle ne peut être puisée qu’en elle. Et c’est pourtant ce qui arrive réellement ici.

L’appréhension ne remplit, avec la seule sensation, qu’un instant (je ne considère point ici en effet la succession de plusieurs sensations). En tant qu’elle est dans le phénomène quelque chose dont l’appréhension n’est pas une synthèse successive, laquelle procède en allant des parties à la représentation totale, elle n’a pas de quantité extensive ; l’absence de la sensation dans le même instant représenterait cet instant comme vide, par conséquent = 0. Or ce qui correspond à la sensation dans l’intuition empirique est la réalité (realitas phænomenon) ; ce qui correspond à l’absence de la sensation est la négation = 0. En outre, toute sensation est susceptible de plus ou de moins, de telle sorte qu’elle peut décroître et s’évanouir insensiblement. Il y a donc entre la réalité dans le phénomène et la négation une chaîne continue de sensations intermédiaires possibles, entre lesquelles il y a toujours moins de différence qu’entre la sensation donnée et le zéro ou l’entière négation. Cela revient à dire que le réel dans le phénomène a toujours une quantité, mais que cette quantité ne se trouve pas dans l’appréhension, puisque celle-ci s’opère en un moment au moyen d’une simple sensation et non par une synthèse successive de plusieurs sensations, et qu’ainsi elle ne va pas des parties au tout ; sa quantité n’est donc pas extensive.

Or cette quantité qui n’est appréhendée que comme une unité, et dans laquelle la pluralité ne peut être re-