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n’y a pas d’image du triangle qui puisse être jamais adéquate au concept d’un triangle en général. En effet aucune ne saurait atteindre la généralité du concept, lequel s’applique également à tous les triangles, rectangles, acutangles, etc. ; mais elle est toujours restreinte à une partie de cette sphère. Le schème du triangle ne peut exister ailleurs que dans la pensée, et il signifie une règle de la synthèse de l’imagination relativement à certaines figures conçues dans l’espace par la pensée pure[ndt 1]. Un objet de l’expérience ou une image de cet objet atteint bien moins encore le concept empirique, mais celui-ci se rapporte toujours immédiatement au schème de l’imagination comme à une règle qui sert à déterminer notre intuition conformément à un certain concept général. Le concept du chien, par exemple, désigne une règle d’après laquelle mon imagination peut se représenter d’une manière générale la figure d’un quadrupède, sans être astreinte à quelque forme particulière que m’offre l’expérience ou même à quelque image possible que je puisse montrer in concreto. Ce schématisme de l’entendement qui est relatif aux phénomènes et à leur simple forme est un art caché dans les profondeurs de l’âme humaine, et dont il sera bien difficile d’arracher à la nature et de révéler le secret. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que l’image est un produit de la faculté empirique de l’imagination productive, tandis que le schème des concepts sensibles (comme des figures dans l’espace) est un produit et en quelque sorte un monogramme de l’imagination pure à priori, au moyen duquel et d’après lequel les images sont d’abord possibles ; et

  1. In Ansehung reiner Gestalten im Raume.