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deux manières de concevoir l’accord nécessaire de l’expérience avec les concepts de ses objets : ou bien c’est l’expérience qui rend possibles les concepts, ou bien ce sont les concepts qui rendent possible l’expérience. La première explication ne peut convenir aux catégories (ni même à l’intuition sensible pure), puisque les catégories sont des concepts à priori, et que par conséquent elles sont indépendantes de l’expérience (leur attribuer une origine empirique serait admettre une sorte de generatio œquivoca). Reste donc la seconde explication (qui est comme le système de l’épigénèse de la raison pure), à savoir que les catégories contiennent, du côté de l’entendement, les principes de la possibilité de toute expérience en général. Mais comment rendent-elles possible l’expérience, et quels principes de la possibilité de l’expérience fournissent-elles dans leur application à des phénomènes ? C’est ce que fera mieux voir le chapitre suivant, qui roule sur l’usage transcendental du jugement.

Si quelqu’un s’avise de proposer une route intermédiaire entre les deux que je viens d’indiquer, en disant que les catégories ne sont ni des premiers principes à priori de notre connaissance spontanément conçus[1], ni des principes tirés de l’expérience, mais des dispositions subjectives à penser[2] qui sont nées en nous en même temps que l’existence, et que l’auteur de notre être a réglées de telle sorte que leur usage s’accordât exactement avec les lois de la nature auxquelles conduit l’expérience (ce qui est une sorte de système de préformation de la raison pure), il est facile de réfuter ce prétendu système intermédiaire : (outre que, dans une telle hypothèse, on ne voit

  1. Selbsgedachte.
  2. Subjective Anlagen zum Denken.