Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
CRITIQUE DE LA RAISON PURE


marque que, jusqu’ici, elle n’a pu faire un seul pas en avant, et qu’ainsi, selon toute apparence, elle semble arrêtée et achevée. En effet, lorsque certains modernes ont pensé l’étendre en y introduisant quelques chapitres, soit de psychologie, sur les diverses facultés de connaître (l’imagination, l’esprit), soit de métaphysique, sur l’origine de la connaissance ou sur les diverses espèces de certitude suivant la diversité des objets (sur l’idéalisme, le scepticisme, etc.), soit d’anthropologie sur les préjugés (leurs causes et les moyens de les combattre), ils n’ont fait par là que montrer jusqu’à quel point ils ignoraient la nature propre de cette science. Ce n’est pas étendre les sciences, mais les dénaturer, que de confondre leurs limites. Or celles de la logique sont déterminées de la manière la plus exacte par cela seul qu’elle est une science qui expose en détail et démontre rigoureusement les règles formelles de toute pensée (que cette pensée soit à priori ou empirique, qu’elle ait telle ou telle origine et tel ou tel objet, et qu’elle rencontre dans notre esprit des obstacles accidentels ou naturels).

Si la logique a été si heureuse, elle ne doit cet avantage qu’à sa circonscription, qui l’autorise et même l’oblige à faire abstraction de tous les objets de la connaissance et de leur différence, et qui veut que l’entendement ne s’y occupe que de lui-même et de sa forme. Il doit être naturellement beaucoup plus difficile pour la raison d’entrer dans la voie sûre de la science, lorsqu’elle n’a plus seulement affaire à elle-même, mais aux objets. Aussi la logique, comme propédeutique, n’est-elle en quelque sorte que le vestibule des sciences ; et, lorsqu’il s’agit de connaissances, on la présuppose sans doute pour les juger, mais c’est dans ce qu’on nomme proprement