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possession de cet art précieux qui consiste à donner à toutes nos connaissances la forme de l’entendement, si vide ou si pauvre d’ailleurs qu’en puisse être le contenu, que cette logique générale, qui n’est qu’un canon pour le jugement, devient en quelque sorte un organum dont on se sert pour en tirer réellement, du moins en apparence, des assertions objectives ; mais cet usage n’est dans le fait qu’un abus. La logique générale, prise ainsi pour organum, prend le nom de dialectique.

Quelque différente que soit l’idée que les anciens se faisaient de la science et de l’art qu’ils désignaient par ce mot, on peut certainement conclure de l’usage qu’ils faisaient réellement de la dialectique, qu’elle n’était autre chose pour eux que la logique de l’apparence. C’était en effet un art sophistique dont on se servait pour donner à son ignorance ou même à ses artifices calculés[ndt 1] la couleur de la vérité, de manière à imiter cette méthode de solidité[ndt 2] que prescrit la logique en général et à en mettre la topique à contribution pour faire passer les plus vaines allégations. Or c’est une remarque non moins utile que certaine que la logique générale, considérée comme organum, est toujours une logique de l’apparence, c’est-à-dire est toujours dialectique. En effet, comme elle ne nous enseigne rien au sujet du contenu de la connaissance, mais qu’elle se borne à exposer les conditions formelles de l’accord de la connaissance avec l’entendement, et que ces conditions sont d’ailleurs tout à fait indifférentes relativement aux objets, la prétention de se servir de cette logique comme d’un instrument (d’un organum) pour

  1. Seinen vorsetzlichen Blendwerken.
  2. Die Methode der Gründlichkeit.