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c’est aussi de lui conserver son ampleur, sa complexité, et ce qu’on pourrait appeler son organisation logique, deux choses en somme qui répondent aux exigences de nos méthodes actuelles de traduction, telles que les ont établies les habitudes de rigueur et de précision des modernes philologues. Les traducteurs diront un peu plus loin par quels moyens et à l’aide de quelles précautions minutieuses dans le choix des termes et dans le rendu du texte, ils se sont conformés à ces exigences. Pour nous, nous ne pouvons ici que rendre hommage à la persévérance d’un effort soutenu par eux pendant plus de six années et à la valeur de l’œuvre qu’ils ont achevée, au prix de difficultés que pressentent tous ceux qui sont familiers avec le texte de la Critique ; et nous ne pouvons aussi que les remercier, en associant à leurs noms celui de leur éditeur, du grand service qu’ils ont ainsi rendu d’avance non seulement à la philosophie de Kant, mais à la philosophie en général et surtout à la philosophie française, qui, en dépit des apparences, est si loin sur tous les points de l’inspiration kantienne, et qui aurait tant à gagner, nous semble-t-il, à s’en pénétrer davantage, et en tout cas, à en tirer des avertissements indispensables sur des problèmes qu’elle néglige ou dont même parfois elle semble soupçonner à peine les conditions et l’existence.

On étonnerait par exemple beaucoup la plupart des savants français, gagnés en grande majorité à un positivisme sans critique, si on leur apprenait que la Critique de la Raison pure a posé, dès 1781, c’est-à-dire soixante ans avant la publication du Cours de Philosophie positive, les fondements d’un positivisme rigoureux. Nul n’a établi avec plus de solidité que Kant la primauté des sciences mathématiques sur toutes les autres sciences, dont l’ensemble constitue la science de la Nature, die Naturwissenschaft : il a exprimé sur ce