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tels principes synthétiques, c’est-à-dire extensifs, repose la fin tout entière de notre connaissance a priori spéculative, car les principes analytiques sont, à la vérité, grandement importants et nécessaires, mais seulement pour arriver à cette clarté des concepts requise pour une synthèse sûre et étendue, comme pour une acquisition réellement nouvelle.

< Il se cache donc ici un certain mystère[1] dont l’explication seule peut assurer notre marche en avant dans le champ sans limite de la connaissance intellectuelle pure. C’est dire qu’il faut découvrir, avec sa généralité propre, le principe de la possibilité de jugements synthétiques a priori, envisager (einzusehen) les conditions qui en rendent possible chaque espèce, et ranger toute cette connaissance (qui constitue leur genre propre) en un système comprenant ses sources originaires, ses divisions, son étendue et ses limites, sans se borner à l’esquisser par quelques traits rapidement tirés, mais, au contraire, en l’établissant d’une manière complète et suffisante a tous les usages. C’est assez parler, provisoirement, de ce qu’ont en eux de particulier les jugements synthétiques >.

[[2]V. — Dans toutes les sciences théoriques de la raison sont contenus, comme principes, des jugements synthétiques a priori.

1) Les jugements mathématiques sont tous synthétiques. Cette proposition semble avoir échappé jusqu’ici aux observations des analystes de la raison humaine et paraît même exactement contraire à leurs conjectures, bien qu’elle soit incontestablement certaine et de conséquences très importantes. De ce qu’on trouvait, en effet, que les raisonnements des mathématiciens procèdent tous suivant le principe de contradiction (ce qui est exigé par la nature de toute certitude apodictique), on se persuadait que les principes étaient connus aussi en vertu du principe de contradiction ; en quoi

  1. < S’il était venu à l’idée d’un ancien de soulever seulement cette question, elle se serait à elle seule puissamment opposée à tous les systèmes de la raison pure jusqu’à nos jours et aurait épargné de nombreuses tentatives vaines que l’on a entreprises aveuglément, sans savoir à quoi on avait proprement affaire. >
  2. Les deux paragraphes qui suivent ont remplacé dans la 2e édition l’alinéa qu’on vient de lire.