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préface de la seconde édition

nécessaire de la raison pure (l’usage moral), dans lequel elle s’étend inévitablement au delà des limites de la sensibilité, — en quoi, en vérité, elle n’a besoin d’aucun secours de la raison spéculative, — mais dans lequel aussi il faut qu’elle soit assurée contre toute opposition de la raison spéculative, pour ne pas tomber en contradiction avec elle-même. Dénier cette utilité positive à ce service que nous rend la Critique équivaudrait à dire que le police n’a pas d’utilité positive, parce que sa fonction principale n’est que de fermer la porte à la violence que les citoyens peuvent craindre les uns des autres, pour que chacun puisse faire ses affaires en toute tranquillité et sécurité. Que l’espace et le temps ne soient que des formes de l’intuition sensible et, par conséquent, que des conditions de l’existence des choses comme phénomènes, qu’en outre nous n’ayons pas d’autres concepts de l’entendement ni ; par suite, des éléments pour la connaissance des choses, à moins qu’une intuition correspondante à ces concepts ne puisse être donnée, que, par conséquent, nous ne puissions connaître aucun objet comme chose en soi, mais seulement en tant qu’objet (Object) d’intuition sensible, c’est-à-dire en tant que phénomène, cela sera prouvé dans la partie analytique de la Critique. Il en résultera évidemment que la seule connaissance spéculative possible de la raison sera limitée aux simples objets de l’expérience. Toutefois, il faut bien le remarquer, il y a toujours ici cette réserve à faire, que nous pouvons au moins penser ces mêmes objets comme choses en soi, quoique nous ne puissions pas les connaître (en tant que tels)[lower-greek 1]. Car autrement on arriverait à cette proposition absurde qu’un phénomène (ou apparence) existerait sans qu’il y ait rien qui apparaisse (dass Erscheinung ohne etwas wäre, was da erscheint). Or, supposons maintenant que cette distinction nécessairement faite par notre Critique

  1. Pour connaître un objet, il faut pouvoir on prouver la possibilité (soit par le témoignage de l’expérience de sa réalité, soit a priori par la raison). Mais je puis penser ce que je veux, pourvu que je ne tombe pas en contradiction avec moi-même, c’est-à-dire, pourvu que mon concept soit une pensée possible, quoique je ne puisse pas répondre que, dans l’ensemble de toutes les possibilités, un objet (Objet) corresponde ou non à ce concept. Pour attribuer à un tel concept une valeur objective (une réelle possibilité, car la première n’était que logique), il faudrait quelque chose de plus. Mais, ce quelque chose de plus, on n’a pas besoin de le chercher dans les sources théoriques de la connaissance, il peut également se trouver dans les sources pratiques.