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grand et important ouvrage. Or, la métaphysique, suivant les idées que nous en donnerons ici, est la seule de toutes les sciences qui puisse se promettre, — et cela dans un temps très court et avec assez peu d’efforts, pourvu qu’on y tâche en commun, — une exécution si complète qu’il ne reste plus à la postérité qu’à disposer le tout d’une manière didactique, suivant ses propres vues, sans, pour cela, pouvoir en augmenter le moins du monde le contenu. Elle n’est, en effet, que l’inventaire, systématiquement ordonné, de tout ce que nous possédons par la raison pure. Rien ne peut ici nous échapper, puisque ce que la raison tire entièrement d’elle-même ne peut lui demeurer caché, mais est au contraire mis en lumière par la raison même, aussitôt qu’on en a seulement découvert le principe commun. L’unité parfaite de cette espèce de connaissances, qui dérivent de simples concepts purs, sans que rien d’expérimental, pas même une intuition particulière propre à conduire à une expérience déterminée, puisse avoir sur elles quelque influence pour les étendre ou les augmenter, cette parfaite unité rend cette intégralité absolue non seulement possible, mais aussi nécessaire.

Tecum habita et noris, quam sit tibi curta supellex (Perse).

J’espère présenter moi-même un tel système de la raison pure (spéculative) sous le titre de Métaphysique de la nature, et ce système, qui n’aura pas la moitié de l’étendue de la Critique actuelle, contiendra cependant une matière incomparablement plus riche. Mais cette Critique devait tout d’abord exposer les sources et les conditions de la possibilité de cette métaphysique et il lui était nécessaire de déblayer et d’aplanir un sol encore entièrement en friches, j’attends, ici, de mon lecteur la patience et l’impartialité d’un juge, mais, là, je compte sur la bonne volonté et le concours d’un auxiliaire ; car, si complète qu’ait été, dans la Critique, l’exposition de tous les principes qui servent de base au système, le développement de ce système exige cependant qu’on possède aussi tous les concepts dérivés, qu’il est impossible de dénombrer a priori et qu’il faut chercher un à un ; et, comme toute la Synthèse des concepts aura été épuisée dans la Critique, il est pareillement requis qu’il en soit de même ici, par rapport à l’Analyse : tout cela est facile, c’est plus un amusement qu’un travail.