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lui fit porter sur la métaphysique le jugement que l’on sait. Kant ne nie point, — et comment pourrait-il le nier ? — l’existence dans l’esprit de conditions de pensée que d’autres avaient appelées avant lui, d’un nom équivoque et mal choisi, idées innées, et qu’il appelle les éléments a priori de la connaissance, tout en les rapportant comme eux à la raison pure. Or le problème de la Critique, qui paraît double à un regard superficiel, est unique au fond et se ramène à ces termes précis : Quel est l’usage légitime de ces éléments ? Les dogmatistes, disons, si l’on veut, les métaphysiciens, se sont à ce sujet entièrement mépris : ils ont fait de ces éléments de connaissances des connaissances toutes faites, des connaissances innées, à vrai dire des révélations, ou d’un mot plus philosophique, des intuitions rationnelles ; et ils se sont appliqués, par une analyse artificielle et stérile, à en vider le contenu : or il n’y a pas pour l’esprit humain de connaissances toutes faites, il n’y a pas pour la raison naturelle de vérités révélées, ni par conséquent d’idées innées, et il n’y a rien à extraire d’éléments vides ou d’idées qui n’ont pas de contenu : l’analyse rationnelle des métaphysiciens, fondée sur une prétendue intuition intellectuelle, est donc une entreprise parfaitement vaine, laquelle aboutit de toutes parts à des contradictions ; et les sceptiques, triomphants sur ce point, ne se sont point fait faute de le leur reprocher. — Mais si l’a priori nu ou le concept de l’entendement, comme tel, n’est point une connaissance, il est du moins condition de connaissance, et condition nécessaire, pourvu qu’à l’esprit, incapable d’intuition rationnelle, des intuitions empiriques ou sensibles soient données qui s’offrent comme une diversité par elle-même incapable de liaison (même dans les formes pures de l’espace et du temps, lesquelles sont aussi de pures diversités et multiplicités = Mannigfaltigkeiten) aux liaisons unificatrices des con-