Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tales de la pensée qu’il énonce sous la forme de trois principes de l’entendement pur et qu’il nomme les trois analogies de l’expérience : par la première, l’entendement ne saurait connaître une Nature sans imposer a priori à cette Nature ou à l’ensemble des phénomènes qu’elle représente la condition d’une constance ou d’une invariance qui lui donne le caractère substantiel de la matérialité (substance et matière d’un caractère strictement phénoménal) ; par la seconde, l’entendement impose à cette substance permanente ou à cet invariant une variation actuelle qui en respecte l’invariance, en ce sens que le changement est l’état même de la substance et s’effectue dans les limites qui lui sont assignées par la loi fondamentale de permanence ou de conservation ; enfin par la troisième, l’entendement requiert entre les substances matérielles ou la matière des différents corps une action réciproque où se retrouve rigoureusement réalisée la double loi de l’invariance quantitative de la matière et de son infinie variabilité. Ces principes, — on l’oublie trop souvent et il ne faut jamais l’oublier, sous peine d’altérer gravement la pensée de Kant, — ne sont point des principes de la science ou appartenant déjà au champ positif de la science ; ce sont des conditions de pensée, ou des principes suprêmes d’intelligibilité sans lesquels il n’y aurait pour nous ni Nature, ni science de la Nature. Cependant Kant a essayé d’en trouver dans la science de son temps ce qu’on pourrait appeler la réalisation positive ou l’équivalent scientifique : et il a cru les voir, chez Newton, dans le principe de la conservation de la masse, dans celui de la continuité du mouvement soumis lui-même à des lois de conservation, enfin dans l’attraction réciproque de toutes les masses distinctes de l’univers ou dans la gravitation universelle. Mais les principes de l’entendement n’en sont pas moins profondément dis-