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esthétique transcendantale

la condition particulière de notre sensibilité, alors le concept de temps s’évanouit ; il n’est pas inhérent aux objets eux-mêmes, mais simplement au sujet qui les intuitionne.

Mais le motif pour lequel cette objection a été faite si unanimement et, certes, par ceux qui, cependant, ne savent rien opposer d’évidemment clair à la théorie de l’idéalité de l’espace, c’est qu’ils n’espéraient pas pouvoir montrer apodictiquement la réalité absolue de l’espace, empêchés qu’ils étaient par l’idéalisme, d’après lequel la réalité des objets extérieurs n’est susceptible d’aucune démonstration rigoureuse, tandis que celle de l’objet de notre sens intime (de moi-même et de mon état) est immédiatement claire par la conscience. Les objets externes pouvaient n’être qu’une simple apparence (Schein), mais ce dernier, d’après leur opinion, est incontestablement quelque chose de réel. Mais ils ne songent pas que ces deux sortes d’objets, sans qu’il soit permis de combattre leur réalité en tant que représentations, n’appartiennent jamais qu’au phénomène qui toujours a deux faces : l’une, où l’objet est considéré en soi-même (indépendamment de la manière de l’intuitionner, mais dont la nature reste par là même toujours problématique) ; l’autre, où l’on a égard à la forme de l’intuition de cet objet, laquelle doit être cherchée non pas dans l’objet lui-même, mais dans le sujet auquel l’objet apparaît et qui n’en appartient pas moins, réellement et nécessairement, au phénomène de cet objet (die Erscheinung dieses Gegenstandes).

Le temps et l’espace sont par conséquent deux sources de connaissance où l’on peut puiser a priori diverses connaissances synthétiques, comme la mathématique pure en donne, un exemple éclatant, relativement à la connaissance de l’espace et de ses rapports. C’est qu’ils sont tous les deux pris comme des formes pures de toute intuition sensible et qu’ils rendent par là possibles des propositions synthétiques à a priori. Mais ces sources de connaissance se déterminent leurs limites par là même (qu’elles sont simplement des conditions de la sensibilité) ; c’est qu’elles ne se rapportent aux objets qu’en tant qu’ils sont considérés comme phénomènes et non qu’ils sont pris pour des choses en soi. Les phénomènes forment seuls le champ où elles aient de la valeur ; si l’on sort de ce champ, on ne trouve plus à faire de ces formes un usage objectif. Cette réalité de l’espace et du temps