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COMMENT FAUT-IL ÉTUDIER LA MORALE DE KANT ?


gouverneur et conservateur, juste juge, qui en font l’objet de la religion et auxquels les perfections métaphysiques qui leur sont conformes s’ajoutent d’elles-mêmes dans la raison (p. 238). Être des êtres, il suffit à tout et de cet attribut dépend toute la théologie (p. 182). Par l’accord de sa volonté avec la loi morale, il est en possession de la sainteté (p. 146). Être raisonnable au vouloir parfait et tout-puissant, il a besoin de la béatitude, il en est digne et il la possède (p. 202, 216). Cause première, universelle et suprême, auteur de la nature, de l’existence de la substance (p. 182, 209, 228), son libre choix est incapable d’une maxime qui ne pourrait en même temps être une loi objective ; la sainteté qui lui convient le met au-dessus non des lois pratiques, mais des lois pratiquement restrictives (p. 54). Pour lui, la condition du temps n’est rien et il saisit, dans une seule intuition intellectuelle de l’existence des êtres raisonnables, la conformité à la loi morale et la sainteté qu’exige son commandement, pour être en accord avec sa justice dans la part qu’il assigne à chacun dans le souverain bien (p. 224).

Kant accentue le caractère chrétien du concept, en raillant les partisans d’une religion naturelle. Le Gottesgelehrte ne peut être, dit-il, qu’un professeur de théologie révélée, car le philosophe, avec sa connaissance de Dieu comme science positive, ferait une trop misérable figure pour se faire donner le nom de Gelehrte. Et on pourrait hardiment lui demander de citer seulement, pour déterminer l’objet de sa science, en dehors des prédicats purement ontologiques, une propriété de l’entendement ou de la volonté, à propos de laquelle on ne puisse montrer d’une façon irréfutable que, si l’on en abstrait tout ce qui est anthropomorphique, il n’en reste plus que le simple mot, sans qu’on puisse le lier au moindre concept par lequel on pourrait espérer une extension de la connaissance théorique ! (p. 250).

L’homme occupe en ce monde et occupera, dans l’autre, par l’intervention de Dieu, la place que lui assigne le christianisme. Créature et créature déchue par le péché originel, il est dans une position inférieure, il a conscience de sa faiblesse et ne saurait attribuer à son esprit une bonté spontanée qui n’aurait besoin ni d’aiguillon, ni de frein, ni de commandement : il doit se garder de la présomption, d’un orgueil chimérique, lui à qui il faudrait rémission ou indulgence (p. 147, 150). Aucune créature ne peut réaliser l’idéal de sainteté, qui doit nous servir de modèle, et nous ne saurions atteindre la conformité parfaite avec la loi morale que par un progrès allant à l’infini (p. 149, 222) :