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l’exprimer, à des distinctions subtiles sur lesquelles on peut ensuite ne pas être d’accord, puisque la différence (Unterschied) des deux concepts ne pouvait être mar- quée immédiatement par aucune expression appropriée (angemessen)*.

La langue allemande a le bonheur de posséder des expressions qui ne laissent pas échapper cette dif- férence. Pour désigner ce que les Latins appellent d’un mot unique bonutUy elle a deux concepts très-distincts et deux expressions non moins distinctes. Pour bonum, elle a les deux mots Gute et Wohl, pour maliim, Bôse et Uehel (ou Weh), de sorte que nous exprimons deux jugements tout à fait différents lorsque nous considérons dans une action qui en constitue ou ce qu’on appelle Gute et Bôse ou ce qu’on appelle Wohl et Weh {Uebel), De là il résulte donc que la proposition psychologique

  • En outre, l’expression sub raiione boni est, elle aussi, ambiguë

(zweideutig), car elle signifie tout aussi bien : nous nous représentons quelque chose comme bon, lorsque et parce que nous le désirons (voulons), que : nous désirons quelque chose, parce que nous nous le représentons comme bon ; de sorle que c’est, ou bien le désir qui est le principe déterminant du concept de l’objet comme d’un bien, ou le concept du bien qui est le principe déterminant du désir (de la volonté) ; et alors, dans le premier cas, l’expression sub raiione boni, SignitieraiL que nous voulons quelque chose sous l’idée du bien ; dans }q second cas, que nous le voulons en conséquence de cette idée {zu Folge dieser Idée) qui, comme principe déterminant du vouloir, doit le précéder.

  • Barnl remarque que la langue française a le même défaut que la

langue latine ; Abbot, que l’anglais marque cette distinction, mais d’une façon imparfaite : evil rendant Bôse ; good, Gute ; well. iveal, Wohl ; iU et bad, Uebel ; iwoe, Weh. Born se sert de bonitas ou pravitas, de prospéra ou de Irislis condilio. — On ne pourrait, en remplaçant par des mots français, les mots allemands que Kant cherche à définir, que donner une fausse expression à sa pensée : le sens en est clair d’après le contexte. (F. P.)