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raine puissance, et elle est sous ce rapport ou républicaine ou despotique. Le républicanisme est le principe politique de la séparation du pouvoir exécutif (du gouvernement) et du pouvoir législatif ; le despotisme est le gouvernement où le chef de l’État exécute arbitrairement les lois qu’il s’est données à lui-même, et où par conséquent il substitue sa volonté particulière à la volonté publique. — Parmi les trois formes politiques, indiquées plus haut, celle de la démocratie, dans le sens propre de ce mot, est nécessairement un despotisme, puisqu’elle établit un pouvoir exécutif, où tous décident sur et même contre un seul (qui ne donne pas son assentiment), et où par conséquent la volonté de tous n’est pas celle de tous, ce qui est une contradiction de la volonté générale avec elle-même et avec la liberté.

Toute forme de gouvernement, qui n’est pas représentative, n’en est pas proprement une[ndt 1], car le législateur ne peut être en une seule et même personne l’exécuteur de sa volonté (de même que dans un syllogisme l’universel de la majeure ne peut être en même temps dans la mineure la subsomption du particulier sous l’universel) ; et, quoique les deux autres formes politiques aient toujours l’inconvénient d’ouvrir la voie à ce mode de gouvernement, il leur est du moins possible d’admettre un mode de gouvernement conforme à l’esprit du système représentatif, comme Frédéric II le déclarait au moins, en disant qu’il n’était que le premier serviteur de l’État[1] ; au lieu que la démocratie rend ce mode de gouvernement impossible, puisque chacun y veut être maître. — On peut donc affirmer que plus est petit le personnel du pouvoir politique (le nombre des gouvernants), et plus au contraire est grande leur représentation, plus la constitution politique se

  1. Ist eigentlich eine Unform.


  1. On a plus d’une fois blâmé, mais sans raison, ce me semble, comme des flatteries grossières et enivrantes, les dénominations sublimes dont on décore souvent les souverains (celle d’envoyé de Dieu, d’exécuteur et de représentant de la volonté divine sur la terre). Loin d’enorgueillir un souverain, elles doivent au contraire lui inspirer intérieurement de l’humilité, s’il a de l’intelligence (comme il faut bien le supposer), et s’il songe qu’il s’est chargé d’une fonction supérieure aux forces d’un homme, savoir de protéger ce que Dieu a de plus sacré sur la terre, les droits des hommes, et il doit toujours craindre de porter quelque atteinte à cette prunelle de Dieu.