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DEUXIÈME SECTION

CONTENANT LES ARTICLES DÉFINITIFS D’UN TRAITÉ DE PAIX PERPÉTUELLE ENTRE LES ÉTATS.

L’état de paix parmi les hommes vivant les uns à côté des autres n’est pas un état de nature (status naturalis), lequel est bien plutôt un état de guerre, sinon toujours déclarée, du moins toujours menaçante. Il a donc besoin d’être établi ; car la cessation des hostilités n’est pas encore une garantie, et si un voisin n’obtient pas d’un autre cette garantie (ce qui ne peut avoir lieu que dans un état légal), il peut traiter en ennemi celui de qui il l’a vainement sollicitée[1].

    droit naturel. Cependant une possession putative (possessio putativa), dés qu’elle est reconnue pour telle, est interdite dans l’état de nature, et il en est de même, dans l’état civil qui lui succède (le passage une fois fait), de ce mode d’acquisition. En effet, si une pareille acquisition avait lieu dans l’état civil, ce droit de possession durable n’existerait plus ; car, l’illégitimité de cette possession découverte, elle devrait cesser aussitôt, comme une lésion du droit.

    Je n’ai voulu par là qu’attirer en passant l’attention des docteurs en droit naturel sur l’idée d’une lex permissiva, qui s’offre d’elle-même à toute raison systématique, principalement parce qu’on en fait un usage fréquent, dans les lois civiles (positives), mais avec cette différence, que la loi prohibitive s’y montre seule, et que la permission n’y est pas insérée (ainsi qu’elle devrait l’être) comme condition restrictive, mais qu’elle est rejetée parmi les exceptions. — On dit : ceci ou cela est défendu, excepté 1o, 2o, 3o et ainsi on ajoute indéfiniment les exceptions à la loi, non pas d’après un principe, mais au hasard et suivant les cas qui se présentent ; car autrement les conditions seraient insérées dans la formule de la loi prohibitive, qui deviendrait alors une loi permissive. Aussi est-il très regrettable qu’on ait sitôt abandonné la question proposée par le sage et profond comte de Windischgraetz, qui avait précisément insisté sur ce dernier point, dans son problème ingénieux, mais resté sans solution. Tant qu’on n’aura pas établi la possibilité d’une semblable formule (analogue à celle des sciences mathématiques), on n’aura pas de véritable pierre de touche pour juger si une législation demeure conséquente avec elle-même, et ce que l’on appelle jus certum ne sera toujours qu’un vœu pieux. — On aura bien des lois générales, mais non des lois universelles, comme semble l’exiger l’idée même de loi.

  1. On admet communément qu’on ne peut agir hostilement contre quelqu’un, à moins qu’on en ait déjà été lésé en fait, et cela est tout à fait juste, lorsque tous deux vivent dans un état légal et civil. Car, en y entrant, celui-ci donne à celui-là la sûreté requise (au moyen du pouvoir souverain qui s’étend sur tous deux). — Mais l’homme (ou le peuple) qui