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leur travail[1], de telle sorte que la richesse nationale, en tant qu’elle a été acquise au moyen de l’argent, n’est proprement que la somme du travail avec lequel les hommes se payent entre eux, et qui est représenté par l’argent en circulation dans le peuple.

La chose à laquelle peut convenir le nom d’argent doit donc avoir coûté elle-même à ceux qui l’ont produite ou procurée aux autres hommes, un travail équivalent à celui qu’a coûté la marchandise (les produits de la nature ou de l’art) et contre lequel on l’échange. En effet, s’il était plus facile de se procurer la matière nommée argent que la marchandise, il y aurait sur le marché plus d’argent que de marchandise ; et, comme le marchand aurait dépensé plus de travail pour se procurer sa marchandise que l’acheteur pour se procurer son argent, qui lui viendrait vite et en abondance, le travail que nécessite la confection des marchandises et l’industrie en général, ainsi que l’activité commerciale, source de la richesse publique, décroîtraient et dépériraient rapidement. — Aussi les billets de banque et les assignats ne peuvent-ils être considérés comme de l’argent, quoiqu’ils en tiennent lieu pendant un temps ; ils ne coûtent presque aucun travail, et leur valeur se fonde uniquement sur cette opinion que l’on pourra continuer de les échanger contre de l’argent comptant. Dès qu’on s’aperçoit que l’argent n’est pas en quantité suffisante pour un échange facile et sûr, cette opinion, s’évanouissant tout à coup, rend inévitable la perte du remboursement. Ainsi le travail

  1. Mittel den Fleiss der Menschen gegen einander zu verkehren.