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ANALYSE CRITIQUE

Droit privé.

Cela en général est mien de droit, dont un autre ne peut faire

    par Kant dans la morale considérée comme système général des devoirs, on voit qu’elle se divise en deux grandes branches, comprenant l’une, les devoirs de droit, et l’autre, les devoirs de vertu, et que la première se subdivise à son tour en deux parties : le droit privé et le droit public. Ces deux branches ensemble constituent dans le système la doctrine élémentaire (Elementarlehre), à la suite de laquelle vient la méthodologie, qui comprend la didactique et l’ascétique. Nous retrouverons plus tard (dans notre travail sur la seconde partie de la métaphysique des mœurs) ces dernières divisions, que Kant se borne ici à nommer (Voy. dans la trad. franç. de la Doctrine du droit le tableau de la p. 61). — Les devoirs de vertu, comme il sera expliqué plus tard, concernant toujours une fin qu’ils nous commandent de nous proposer, on peut les déterminer par là, de même qu’on détermine les autres par l’idée de droit ; et, comme les idées de droit et de fin peuvent être rapportées à celle du devoir sous un double point de vue, suivant que l’on envisage l’humanité qui réside en notre personne ou l’homme même, de là sort une division du principe du devoir, suivant qu’on l’applique d’une part au droit de l’humanité en nous ou au droit de l’homme, et d’autre part à la fin de l’humanité en nous ou à la fin de l’homme. Dans le premier cas, il est parfait : c’est alors qu’il est devoir de droit ; dans le second, il est imparfait : c’est alors qu’il est devoir de vertu. Dans l’un et l’autre cas, on a, sous le premier point de vue, le devoir envers soi-même, et sous le second, le devoir envers autrui (Voy. le tableau de la p. 59). — Si maintenant on cherche le rapport du droit au devoir dans les êtres où il peut se rencontrer, on voit qu’il n’y a lieu d’admettre pour nous un rapport de ce genre, ni à l’égard d’êtres n’ayant ni droits ni devoirs, comme les animaux, c’est-à dire d’êtres privés de raison, qui ne nous obligent pas et par lesquels nous ne saurions être obligés ; ni à l’égard d’êtres qui n’auraient que des devoirs et pas de droits, car on ne peut concevoir de tels êtres, qui seraient des hommes sans personnalité, comme les esclaves et les serfs ; ni enfin à l’égard d’un être qui n’aurait que des droits et pas de devoirs, comme Dieu. L’idée d’un tel être est pour nous transcendante ; et, s’il est à la fois nécessaire et salutaire, au point de vue pratique, de l’admettre et de s’y appuyer (Voy. sur ce point la Critique de la raison pratique, et l’Examen, p. 170 et 316), elle ne saurait, selon Kant, déterminer de devoirs spéciaux. Reste le rapport juridique de l’homme aux êtres ayant des devoirs et des droits, c’est-à-dire à ses semblables ; c’est le seul en effet qui soit réel (voyez le tableau de la page 60). — Le devoir et le droit étant des termes corrélatifs, Kant se demande (p. 57) pourquoi la morale est ordinairement désignée sous le titre de doctrine des devoirs (c’est le titre que, entre autres moralistes, lui donne Cicéron : De officiis), et non sous celui de doctrine des droits ; il répond que c’est que « nous ne connaissons notre propre liberté, de laquelle émanent tous les droits comme tous les devoirs, que par l’impératif moral, lequel est un principe de devoir, d’où l’on peut ensuite dériver la faculté d’obliger les autres, c’est-à-dire le concept du droit. » Il n’est pas vrai que nous ne connaissions notre liberté que par le moyen de l’idée du devoir, mais il est très-vrai que l’idée du devoir ne va pas sans celle de la liberté, et que sans ces deux idées celle du droit n’existerait pas pour nous. Kant pourrait ajouter, conformément