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DOCTRINE DU DROIT.


si par conséquent le devoir qui en dérive n’était pas proprement ce qu’on appelle un devoir de droit[1] (par opposition aux devoirs de vertu[2]), il faudrait ranger la fidélité (aux engagements contractés) dans la même classe que les actes de bienfaisance et les devoirs qui nous y obligent, ce qui est tout à fait impossible. Ce n’est pas un devoir de vertu de tenir sa promesse, mais un devoir de droit, à l’accomplissement duquel on peut être contraint. Et cependant c’est une action vertueuse (une preuve de vertu) d’agir ainsi, alors qu’on n’a point de contrainte à redouter. La doctrine du droit et la doctrine de la vertu diffèrent donc bien moins par la nature des devoirs qu’elles contiennent que par celle de la législation, qui, ici et là, ne joint pas à la loi le même mobile.

La législation éthique (les devoirs qu’elle prescrit fussent-ils d’ailleurs extérieurs) est celle qui ne peut jamais être extérieure ; la législation juridique, celle qui peut aussi être extérieure. Ainsi c’est un devoir extérieur de remplir un engagement contracté ; mais l’ordre d’agir ainsi, par cela seul que c’est un devoir et sans égard à aucun autre mobile, relève uniquement de la législation intérieure. Ce n’est donc pas comme espèce particulière de devoir (comme une espèce particulière d’actions auxquelles on est obligé), — car ce devoir est extérieur au point de vue de l’Éthique aussi bien qu’au point de vue du Droit, — mais parce que la législation, dans ce cas, est intérieure et échappe à tout législateur extérieur, que l’obligation

  1. Rechtspflicht.
  2. Tugendpflicht.