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xiii
DE LA DOCTRINE DU DROIT.


s’accorder avec celle de chacun, suivant une loi générale. » Cette règle du droit doit être elle-même, au point de vue moral, le mobile de ma conduite : mon devoir est de m’y conformer par respect pour elle ; mais, au point de vue du droit, il suit de ce qui précède qu’on ne peut exiger de moi autre chose sinon que ma conduite y soit extérieurement conforme. En effet, quel que soit le mobile qui me fasse agir, que ce soit le respect même de la liberté d’autrui ou tout autre, pourvu que je ne porte pas atteinte à cette liberté par mes actes extérieurs, le droit est sauf, puisque la liberté l’est ; il n’y a rien de plus à demander, à ce point de vue. Le reste regarde, non le droit, mais la vertu.

Le droit implique la faculté de contraindre.

Kant ajoute 1[1] que le droit implique la faculté de contraindre. Celle-ci découle nécessairement de celui-là. En effet, dès qu’un certain usage de la liberté est conforme à la loi de la liberté générale, ou est juste, tout ce qui y fait obstacle étant par là même contraire à cette loi ou injuste, la résistance à cet obstacle s’accorde elle-même avec le principe de la liberté générale, c’est-à-dire est juste. Celui qui a le droit pour lui peut donc légitimement contraindre les autres à n’y point porter atteinte ; cela résulte de son droit même (2)[2].

  1. 1 Page 45.
  2. (2) On voit quel est pourtant le principe du droit et comment ce principe implique essentiellement la faculté de contraindre. Il examine ailleurs (De l’Essai de G. Hufeland sur le Principe du Droit naturel, V. dans ce volume la traduction de cet écrit, p. 267-272) cet autre principe qui consiste à placer dans une obligation antérieure le fondement du droit et qui justifie la contrainte par cette obligation même. Suivant G. Hufeland, dont le système repose sur ce principe, c’est un devoir pour nous de travailler au perfectionnement des hommes, et particulièrement à notre propre perfectionnement ; c’est par conséquent aussi un devoir de repousser tout obstacle apporté à ce perfectionnement, soit chez les autres, soit surtout en nous-mêmes ; et c’est de ce devoir que dérive le droit de contrainte à l’égard d’autrui. G. Hufeland regarde donc ce droit lui-même comme une obligation ; ce qui autorise un homme à contraindre les autres, c’est qu’il y est obligé ; autrement, selon lui, le droit de contrainte ne s’expliquerait pas. Or, selon Kant, le principe mis. ici en avant dépasse de beaucoup ce qu’il s’agit d’expliquer. En effet, si la contrainte n’est légitime que parce que c’est pour nous une obligation de l’exercer, et si c’est sur cette obligation que repose notre droit, il suit que nous n’en pouvons jamais rien rabattre, ce qui est évidemment exagéré. En outre comment, avec ce principe pris pour critérium, déterminer exactement, même dans les cas les plus ordinaires de la vie, jusqu’où s’étend le droit et où il