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destinés à préparer la paix qu'il s'agira ensuite de régler d'une manière définitive, statuant : 1° qu’il n’y a pas de véritable traité de paix là où l'on se réserve de recommencer la guerre à l'occasion, puisqu'un traité dont les auteurs fraient quelque restriction mentale de ce genre ne serait plus vraiment un traité de paix mais un simple armistice ; 2° qu'on ne peut acquérir, par voie d'héritage, d'échange, d'achat ou de donation, un État indépendant, grand ou petit; car, outre qu'un État est comme une personne dont nul ne peut dispose qu'elle-même, et qu'il contraire au droit de l'humanité d'en faire une sorte de fief transmissible ou échangeable, un pareil abus met en péril la paix entre les nations, dont il trouble l'équilibre ; 3° que les armées permanentes doivent disparaître entièrement avec le temps ; car, indépendamment de l'atteinte portée ici encore aux droits des hommes, que l'on traite comme des machines, et qui pis est, comme des machines meurtrières, les armées permanentes sont à la fois pour les autres États comme une menace qui le tient incessamment sur le qui-vive, et pour ceux qui les entretiennent une charge qui les pousse eux-mêmes à la guerre ; 4° qu'on ne doit point contracter de dettes nationales en vue des intérêts extérieurs de l'État, parce que ce moyen, en rendant la guerre facile à l'un, troublerait la sécurité des autres, et, en produisant tôt ou tard une inévitable banqueroute, pourrait compromettre ainsi la fortune des autres peuples (1)[1] ; 5° qu’aucun État ne doit s'immiscer de force dans la constitution et le gouvernement d'un autre État, non pas même dans le cas d'un scandale donné par une nation; car, à moins qu'elle ne se déchire en deux parties, et que l'une des deux parties ne réclame secours et protection contre l'autre, un scandale, si grave qu'il soit, n'autorise point l'intervention armée d'un autre État, dont il ne lèse pas les droits, et qui doit se contenter d'en faire son profit comme

  1. Kant s'élève ici (p. 292) contre « ce système de crédit, invention ingénieuse d'une nation commerçante, où les dettes croissent indéfiniment, sans qu'on soit jamais embarrassé du remboursement actuel, parce que les créanciers ne l'exigent pas tous à la fois » et pour les raisons qu'on vient de voir, il attribue aux autres États le « droit de se liguer contre celui qui se permettrait pareille chose. » Mais n'oublie-t-il pas fort mal à propos en cette occasion le sage principe qui fait l'objet de l'article suivant ?