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et toujours tendancieusement, c’est-à-dire inexactement, sont de création toute récente. Elles sont faites pour faire connaître aux aînés de Paris un petit groupe qui veut à son tour conquérir le monde, et non point pour renseigner sur Paris la province pensante. Les défenseurs de la décentralisation artistique objectent, à des centralisateurs qui voudraient enrichir le Louvre et le Luxembourg du trésor d’art épars dans nos musées de province sous la serrure rouillée, la clef oisive, et la sieste tranquille d’un conservateur qui est souvent un politicien casé et former ainsi une collection d’art complète, — ils objectent le jeune homme pensif et sage dont la vocation d’art pictural ou littéraire s’éveillerait au contact fréquent d’un beau chef-d’œuvre, et l’objection est assez forte pour que les centralisateurs n’insistent que platoniquement. Ce musée d’art, où par le hasard peut se glisser une toile moderniste, n’a pas d’équivalent littéraire pour nos jeunes hommes de province. En tout cas, il n’y verrait pas d’impressionnistes ou ils n’en ont vu de longtemps ; le garde qui veille en habit à palmes vertes à la barrière du Luxembourg n’est point tolérant. C’est pourquoi, lorsqu’à Paris, le jeune homme a déjà des clartés de tout et médite des révolutions, son premier adversaire est le jeune homme du même âge venu de sa ville lointaine. Dans ma prime jeunesse, ces jeunes gens, ceux qui n’étaient plus Lamartiniens ou Hugolâtres, se souciaient surtout de Coppée et de Richepin ; leurs cheveux étaient longs sur des pensers antiques, et, en somme, malgré que le temps qui marche a tout de même produit quelques modifications, les choses n’ont pas beaucoup changé.