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symbolistes et décadents

Après les premières recherches, il avait trouvé les fondements de sa doctrine dans les livres de Hartmann. Sa joie d’ailleurs était de vivre par le regard. C’était un fidèle du Louvre et du Cabinet des estampes, un dévot du tableau et de l’image. Deux attirances nettes le tiraillaient, l’une de curiosité d’art, l’autre d’apostolat. Il eût aimé enseigner, instruire, prouver par de la pureté les bonnes intentions du grand Tout qui se crée lui-même ; il était adepte du bouddhisme moderne, — comme un apôtre, du christianisme. Mais sa dilection allait aussi toute aux Primitifs qui peignirent des âmes, et sa curiosité à tout ce nouveau décor de Paris que la vie lui offrait libre à parcourir, puis il fut conquis par l’art exquis de Watteau et ses fêtes aux discrètes mélancolies, de sorte que sa première œuvre imprimée fut dédiée à la gloire de Watteau et que la littérature l’emporta en lui sur la philosophie.

Après un volume de vers philosophiques qui fut peu montré, qui fut annulé, voici les Complaintes ; la préface des Complaintes peut donner une idée du ton du volume détruit, c’en est, pour ainsi dire, un peu de la substance ; c’est ce qu’il gardait du ton de ce volume par lui jugé insuffisant. Pourquoi ce titre et cette forme chez le moins anecdotier de nos poètes ?

Ceux qui savent, en leur âme, saisir l’étendue et la variété des phénomènes sont exempts d’orgueil ou de vanité. La complexité des choses finies et le silence de l’infini leur imposent une voix claire et distincte, mais sans cris. Ils hésiteraient à émettre des hypothèses, à tenter de divulguer l’inconnu, à gravir les premiers degrés de l’inconnaissable d’un ton trop oratoire. On