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créer comme un cycle napoléonien, d’être le poète qui entend venir les révolutions, d’être la voix revendicatrice de tout un peuple, aussi un peu l’arbitre, et de pouvoir dire au flot des révolutions quelle est son heure ; le poète conçu comme une sorte de voix tendre et magistrale de toute la foule contenant la plus grande somme d’amour et de gravité et de naturisme que puisse contenir une âme humaine, c’eût été le rôle du Vatés, ou chantre populaire unissant dans sa personnalité Homère, Horace, Parménide et Juvénal et Eschyle et Aristophane. Les événements modifièrent cette conception du poète qu’avait conçu de lui-même Hugo ; la forme du roman s’imposait ; la poussée des romans de langues germaniques et anglo-saxonne, leur fantastique que l’on ne connaissait guère que par ses pires adaptateurs anglais, le roman à couleur historique qu’imposait le goût des masses pour les chroniques de Walter Scott et le goût des élites pour les restitutions de Chateaubriand et de Thierry, induisirent Hugo au roman. C’est aussi aux milieux d’une histoire romanesque qu’il emprunta ses sujets de drame, ou plutôt les cadres, où des porte-paroles déclament, mais non plus froidement, comme chez les pseudo-classiques, mais violemment, en vers hachés, martelés et parfois bouffons, des drames qui sont plutôt des comédies d’intrigues revêtues d’une phraséologie large et munis d’une fin terrifiante. Mais au théâtre Hugo est surtout un orateur sonore et parfois grêle, si son lyrisme reste tantôt naturiste, tantôt historique. Dès les Misérables, son roman devient un roman à base de pitié, aux ambitions sociologiques et surtout politiques ; les événe-