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nature réservée, retenue, chaste et modeste, il prit de bonne heure en aversion et en haine toute compression, toute contrainte, excepté celle qu’imposait à son esprit un désir insatiable d’apprendre, le goût curieux des lectures et des exercices de style, et à son corps la volonté résolue d’en régler les appétits et d’en maîtriser les sens. Dès son enfance, sans doute, Marc-Aurèle fut son héros, son idéal. Pour y atteindre, il se plongea dans les études qui font les grands esprits et les grands hommes. Grammaire, lettres, rhétorique, histoire, poésie, sciences naturelles, philosophie, tout pénétra dans cette intelligence vaste et mûrie de bonne heure par l’infortune et par la captivité. À ces travaux de la pensée dont il avait, en quelque sorte, tracé le programme, et dont il surveillait l’exécution, Constance avait voulu que les jeunes princes joignissent l’observance des pratiques religieuses, telles que les jeûnes, les offices, les aumônes, la dévotion aux tombeaux des martyrs. On les vit donc plus d’une fois remplir dans les solennités les fonctions de lecteurs, et, debout sur l’estrade qui faisait face à l’auditoire, lire à haute voix au peuple les textes sacrés. Le caractère franc de Gallus, bien qu’emporté souvent jusqu’à la violence, donna sans arrière-pensée dans ces manifestations extérieures du sentiment religieux. On doit croire que jamais Julien n’y prit une part volontaire : il subit comme un joug une religion ainsi imposée à l’indépendance sceptique de son esprit, et il enveloppa sans doute dans la même aversion le dogme, le culte et la discipline.

Il y avait plus de six ans que durait cette relégation, lorsque Constance, demeuré seul Auguste par la mort de Constantin II et de Constant, ses frères et ses collègues, change de visée politique à l’égard de ses neveux. Menacé par les Perses en Orient, et par Magnence en Occident, inquiet sur les troubles qui divisaient l’Église, et n’ayant point d’héritier direct, il sent le besoin de se choisir un successeur. On fait venir à Constantinople les deux prisonniers de Macellum. Ils reparaissent à la cour, et l’on retrouve adultes les fils de Jules Constance, qui en étaient partis enfants. Gallus, alors âgé de vingt-quatre ans, était, suivant Ammien Marcellin, d’une figure avantageuse ; sa taille était bien prise, ses membres exactement proportionnés, sa chevelure blonde et fine, et, quoique sa barbe ne fît que commencer à poindre en duvet, tout son air annonçait une maturité anticipée. Julien, qui avait vingt ans, était